J’écris cette lettre pour parler du monde qui nous entoure, de la musique qui me fait vibrer, de mes pensées matinales ou d’insomnies, des livres que je lis.
J’essaye de proposer une newsletter qui diffère de celles que l’on reçoit généralement. Je n’ai pas de produit à promouvoir, pas de méthode à vendre. Je souhaite écrire simplement, avec ouverture et poésie. Le moteur est le tropisme de l’écriture. J’espère qu’elle pourra être une pause dans le quotidien parfois anxiogène.
J’envoie cette missive directement dans votre boîte mail plus ou moins régulièrement tous les mois, au gré de l’inspiration, de la nécessité de coucher en lignes une réflexion sur le temps qui passe, sur la beauté de l’aube ou sur la singularité lumineuse d’un solo de saxophone.
Si c’est la première fois que vous lisez cette lettre et que vous l’appréciez, vous pouvez vous inscrire aux prochaines directement ici :
Et la partager à votre entourage
Merci d’avance !
La nuit, tout est possible.
C’est souvent ce que j’ai ressenti plus jeune, et que je ressens encore parfois.
J’ai parlé il y a quelques mois de ce que le matin voulait dire pour moi, de ce que sa saveur apporte à nos existences. Dans cette course à la performance, la matinée est un sanctuaire qui s’évapore aussi vite qu’il arrive.
Aujourd’hui j’aimerais parler de mon rapport au soir et à la nuit donc. Notamment en été.
Depuis quelques mois, le soir n’est plus cette chose informe qui mange la fin d’après-midi en plein hiver. Il est plutôt une surprise silencieuse qui dilue les dernières lueurs du jour comme une encre noire jetée dans un verre d’eau. Une antésite implacable.
MMA et fruit pacifique
Avec la triste chaleur de ces derniers jours, je vis (aussi) le soir. Je prends le temps de respirer après des journées de fournaises à bégayer ma sueur.
J’observe la ville qui ne s’endort pas et qui s’apprête à accueillir le temps des songes. Des sirènes lointaines, un scooter bien trop bruyant qui fend le calme de la rue, un chien qui braille, des rires adolescents je ne sais plus où exactement.
J’ai dit que j’aimais me lever tôt, et donc me coucher le moins tard possible pour que ce projet se réalise. Mais il est vrai qu’en été, je déborde et m’autorise un coucher plus tardif.
La nuit, tout est possible.
Oui tout est enfin possible.
Possible de regarder des vidéos YouTube inutiles mais qui détendent. Allez encore une. J’aime pas le Mixed Martial Art ? Ben pas grave, ça à l’air intéressant un karatéka contre un pratiquant de Boxe Thaï. Et ce n’est que 12 minutes.
Possible de regarder ses mails, pour la 7ème fois de la journée. Non mais là vraiment je vais les lire, y répondre en prenant le temps.
Possible de manger une pêche juteuse qui porte en son cœur le secret de la paix du monde.
Possible d’écrire ce texte qu’on repousse depuis plusieurs jours car il y a toujours des excuses à ne pas s’y mettre véritablement.
Possible de respirer.
La scène de nos mystères
Plus jeune, lorsque j’étais sujet à des insomnies, je pensais à mille choses à la fois. Je me tournais et retournais dans mes draps en refaisant ma journée, en rêvant, en me prenant pour un autre. Un aventurier, un flibustier des années 2000 qui ne vivrait que de rire et de sensations fortes.
C’est l’intérêt de la nuit. Elle ne juge pas celui qui l’utilise pour travestir son existence. Elle ne l’a jamais fait et ne le fera jamais. Elle est juste la scène de nos mystères. Là où un cinéma imaginaire est possible sur “l’écran noir de mes nuits blanches” comme le chante Nougaro.
Je pensais au contrôle de maths du lendemain que j’avais mal révisé. Aux copains, à ma chienne que j’entendais se tourner dans son panier deux étages plus bas. Une crise existentielle canine, ça existe d’ailleurs ?
Puis mon attention divaguait vers une peur immense de la mort, du manque, de la fin de tout, irrémédiable à la soif de découvertes et de lumières, aux liens qui réchauffent l’âme. Et puis je pensais à cette fille que je n’avais pas osé embrasser.
La nuit, tout est possible car c’est l’un des rares moments où l’on est seul face à l’immensité du temps. C’est vertigineux et magnifique. Chaque seconde passée vous approche un peu plus de l’aube mais tout est encore à faire. La nuit éveillée c’est un répit, une envie d’ailleurs, un retour à l’essence pure de ce qui nous meut.
Animaux parfois hagards devant des phares lunaires.
Plus tard, c’est aussi généralement le soir tard, voir la nuit, que me viennent mes envies d’écriture par exemple. Rarement le matin, même s’il m’arrive d’écrire avant de débuter ma journée.
Il y a quelques mois, je me souviens écrire quelques pages dans un carnet vers 1h30 du matin dans un appartement au cœur de Raval, le quartier populaire de la grande ville Catalane. L’air méditerranéen et la rumeur de cette ville m’apaisent. J’avais écrit notamment :
Comme un ressac céleste, la rumeur de Barcelone étiole ses rues à coups d’échos incertains. Le simple fait de s’arrêter là, dans ce champs tortueux de Raval, sous les palmiers lourds, la gorge sèche et les tempes vibrantes, vous fait prendre conscience de l’éternité intense d’une nuit totale. Les planches glissent sur le lac contemporain, les muscles brûlants gonflent l’atmosphère érotique et Cortès claque sur toutes les langues …
C’est ça, la nuit. Une rêverie qui n’en finit pas. Un espace mental vierge qui s’ouvre à vous.
Peut-être que tout ça changera lorsque j’aurais des enfants. C’est évident que cela changera. Mais mon intérêt singulier pour cette invention du temps ralenti ne s’effacera jamais.
La nuit en musiques
J’aimerais terminer cette lettre en soulignant le fait d’avoir remarqué que j’écoutais depuis des années de nombreuses chansons qui font état de la nuit ou de ses coéquipières célestes, la lune et les étoiles. J’utilise d’ailleurs régulièrement une imagerie liée à la nuit, à la lune ou aux étoiles dans mes écrits. Comme ici :
J’ai déjà parlé de mon amour pour la musique (ici ou là), de ma recherche constante d’inspiration ou avec son concours. Je compile, découvre, écoute en boucle, détaillent mes sensations dans des notes, classe encore et toujours puis pour de bon pour finalement retravailler ces collections à l’usure.
Cependant malgré ce travail qu’on pourrait qualifier d’un peu radical (j’accepte!) je n’ai jamais créé de playlist en lien avec la nuit. Comme si j’avais souhaité infuser tout ce que j’écoute par ces rhizomes de sorgue. Comment compiler la nuit ? Impossible ! Laisse la vivre partout où elle s’y sent bien !
J’ai tenu parole. Je n’ai aucune playlist dédiée à la nuit à vous partager.
J’ai cependant retrouvé quelques chansons en lien avec elle qui me touchent. Je suis sensible à ces différents titres pour leur richesse singulière évidemment. Mais bien plus puissamment, je crois que le fil d’Ariane invisible qui les lie m’a porté inconsciemment. Toutes ces chansons portent en elles une nostalgie difficilement explicable autre que de revenir à cette sensation que procure la soirée tardive ou la nuit. Voici donc :
In the night de Oques Grasses
Une nostalgie rythmée, lorsque la nuit n’est pas encore trop profonde.
Gallope nocturno de Quieto
Une galopée nocturne pour rester éveillé jusqu’au petit matin.
Tard la night de Damso
Un peu de poésie brute dans ce monde.
Super étoile de Ballaké Sissoko et Vincent Ségal
Des notes lumineuses maliennes et européennes au cœur de la voie lactée.
Clarao de lua de Nazaré Peirera (remixé par Gerd)
Un bijou. Une de mes chansons favorites pour des soirées lusophones.
La nuit je mens d’Alain Bashung
Un classique qui m’accompagne depuis au moins 15 ans. Texte de haute voltige et arrangements somptueux. J’ai eu l’immense change de voir Alain Bashung en concert quelques mois avant sa disparition. Moment gravé.
Et comme Cyrano qui part pour toujours en pudeur lorsque la nuit est finalement totalement tombée, cette lettre s’arrête ici je l’espère avec panache et en vous donnant envie de lire les suivantes qui arrivent dès septembre !
Belles nuits d’été,
Josselin
La nuit est infiniment plus poétique que le jour. Gardienne des craintes et des désirs, elle porte en elle le paradoxe d'un doux désespoir créateur.
Quel beau traité !